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Résistants de Bourbon - Lancy

Résistants de Bourbon - Lancy
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Résistants de Bourbon - Lancy
L'auteur
http://www.alainboussuge.com/
Investigateur du parcours militaire des hommes durant les conflits : 1870-1871, 14-18, 39-45.

Historien par passion.
Les hommes de ma famille ont été mobilisés en 1870, 1914, 1939.
Où ont-ils combattu ? Qu’on-t-il enduré ? Ils sont revenus vivants, mais pas toujours indemnes.
Ce site est consacré à mon père
Un oncle, FFL, 2°DB, epagliffl.canalblog.com
Les victimes de guerre sont anonymes sur les monuments aux morts, elles revivent, pour peu que l’on s’intéresse à elles.
A Bourbon-Lancy, en Saône et Loire, 2 monuments aux morts, 3 sites d’identification des morts
morts3945bl.canalblog.com – resistantsbl.canalblog.com 1870mortsdebourbonlancy.canalblog.com
Un livre, Le canton de Bourbon-Lancy dans la guerre de 1870-1871
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20 janvier 2024

Convois partis de Compiègne

22 janvier 1944, destination Buchenwald.
2006 hommes déportés, dont peut-être Jacques RICHARD.
994 rescapés.

27 janvier 1944, destination Buchenwald.
1584 hommes déportés, dont peut-être Jacques RICHARD.
510 rescapés.

22 mars 1944, destination Buchenwald.
1218 hommes déportés, dont Pierre CURTIL.
534 rescapés.

6 avril 1944, destination Mauthausen.
1489 hommes déportés, dont Georges BONJOUR, Marcel DRIVES, Marcel DURAND, Jean-Marie GONNET, Francis PARENT, Etienne PIERRE, Georges POMMIER, Alexandre REITZER.

667 hommes rescapés dont, Georges BONJOUR, Marcel DURAND, Alexandre REITZER

27 avril 1944, destination Auschwitz- Birkenau.
1653 hommes déportés, dont Fernand PERRET. 

Ce convoi est dit celui des Tatoués.
La destination interroge, car les déportés politiques n’y étaient pas internés. Ils ont tous été transférés dans d’autres camps.
800 hommes rescapés.

21 mai 1944, destination Neuengamme.
2004 hommes sont déportés, dont François DURAND, Lucien PORTERAT, Georges THEVENET

788 hommes rescapés, dont Lucien PORTERAT

18 juin 1944, destination Dachau.
2139 hommes déportés dont Jean-Marie GONNET.
1541 hommes rescapés.

15 juillet 1944, destination Neuengamme.
1528 hommes déportés dont Benoît Marie BELIN

17 août 1944, destination Buchenwald.
1255 hommes déportés dont Auguste MOREAU.
656 hommes rescapés

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16 février 2023

Camp de Buchenwald

Cimetière du Père Lachaise monument Buchenwald Dora resistantsbl

 

250 000 déportés / 56 000 morts

25 000 Français déportés
12 000 à 15 000 morts parmi lesquels Auguste MOREAU, Fernand PERRET

lien sur le nombre de déportés https://asso-buchenwald-dora.com/le-camp-de-buchenwald/histoire-du-camp-de-buchenwald/

 

16 février 2023

Camp de Neuengamme

Cimetière du Père Lachaise monument Neuengamme resistantsbl

106 000 déportés / 54 000 morts

11500 Français déportés
7 400 morts parmi lesquels François DURAND, Georges THEVENET

lien sur le nombre de déportés https://www.campneuengamme.org/

16 février 2023

Camp de Mauthausen

Cimetière du Père Lachaise monument Mauthausen resistantsbl

180 000 déportés / 154 000 morts

12 500 Français déportés
10 000 morts parmi lesquels Marcel DRIVES, Henri GONNET, Francis PARENT, Etienne PIERRE, Georges Raymond POMMIER, André TORINO

4 rescapés : Georges BONJOUR, Marcel DURAND, Lucien PORTERAT, Alexandre REITZER

lien sur le nombre de déportés : https://campmauthausen.org/

16 février 2023

Monuments aux déportés

Douze monuments, érigés dans le cimetière du Père Lachaise à Paris, rendent hommage aux victimes de la déportation. Ils sont situés dans les divisions 97 et 77, de part et d’autre de l’Avenue Circulaire, dans l’angle supérieur droit du cimetière, par rapport à l’entrée principale. Ils sont facilement accessibles par la porte de la Réunion.

De la simple pierre gravée aux sculptures audacieuses, ces mémoriaux invitent à se rappeler ce que furent la répression et la persécution nazie dans les camps d’Auschwitz – Birkenau, Auschwitz III, Bergen Belsen, Buchenwald, Dachau, Flossenbürg, Mauthausen, Natzwiller Struthof, Neuengamme, Oranienburg, Ravensbrück. Le martyr des enfants juifs est également évoqué.

Les camps de Mauthausen, Neuengamme, Buchenwald ont été les principaux lieux de déportation des résistants de Bourbon-Lancy.

 

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3 juin 2022

Les Téméraires, une histoire neuve de la résistance

Par cette approche nouvelle, abondamment documentée et argumentée, de ce que fut la résistance souterraine d'avant juin 1944, le peuple du bassin minier (de Montceau-les-Mines) sort incontestablement grandi, car il apparaît, plus directement qu'il est généralement rapporté, comme le vrai acteur de cette page d'histoire, en particulier sa jeunesse, engagée à cœur perdu, jusqu'à bousculer tous les cadres. Au-delà du rôle de quelques personnages, hâtivement transformés en icônes et qu’on nous demande aujourd’hui encore de vénérer, au-delà même du rôle des organisations dont ils étaient membres et que l'histoire allait sublimer, transparaît le courage collectif des citoyens ordinaires de ce coin de Bourgogne, courage que d'autres générations avaient déjà manifesté dans des périodes plus reculées et dont la conscience ravivée aidera à livrer les combats d'aujourd'hui.

3 juin 2022

respol71.com

Ce site animé par Gérard Soufflet, est destiné à jalonner une recherche en cours sur la résistance polonaise en Saône et Loire, centrée sur les bassins industriels de Montceau-les-Mines et du Creusot…

La communauté polonaise, ouvriers d’industrie mais aussi ouvriers agricoles, participe à la lutte contre l’Allemagne nazie parfois dès 1939-40, en soutien aux forces polonaises combattant alors en France.

Elle agit dans deux mouvements :

1/ l’organisation polonaise de lutte pour l’indépendance, POWN-Monica, liée au gouvernement polonais légal réfugié à Londres ; elle est dirigée régionalement par Jan Kulpinski qui s’installe à Montceau dans l’été 42,

2/ la résistance communiste ; elle dépend directement de la section polonaise de la MOI (main d’oeuvre immigrée), rattachée au comité central du parti communiste français clandestin, mais en réalité à l’Internationale communiste. Dès 1942, Boleslaw Maslankiewicz, ancien des Brigades internationales et dirigeant national, supervise personnellement le bassin de Montceau puis les maquis FTP-MOI de Bourgogne.

En conflit sur la question du devenir de la Pologne et sur la nature de l’allié soviétique, les militants aborderont la libération profondément divisés, ayant anticipé dans la France occupée ce que seront les déchirements de la guerre froide. Les uns regagneront la Pologne pour y construire le socialisme ; les autres s’intégreront définitivement dans la société française.

 

21 février 2020

CURTIL Pierre

Pierre Curtil Portrait

Notice réalisée à partir du dossier de résistant de Pierre Curtil conservé au Service historique de la Défense de Vincennes (GR 16 P 153 250)
Je remercie les descendants de Pierre Curtil, enfants et petits-enfants, et plus particulièrement Jocelyne Szychowski – Curtil avec qui j’ai eu de fructueux échanges pour évoquer la vie de Pierre Curtil me permettant de détailler cette notice.
Elle m’a aimablement fourni sa photo.

Né le 23 septembre 1892 à Charnay, Perrigny-sur-Loire. 
Fils d’Henri Curtil, cultivateur, vigneron et Marie Rogier. 
La famille Curtil était établie à Perrigny depuis le début du 19ème siècle, leurs ancêtres vivaient à Issy l’Evêque et Marly-sous-Issy.

La famille Curtil est installée à la Bourse après la naissance de Pierre. Son grand-père et son père y sont cultivateurs et vignerons.
Henri Curtil, le père, y décède en 1920. Pierre Curtil a un frère Barthélémy Henri né en 1884 et mort en 1960 à Bourbon – Lancy ; il était charron.
Pierre Curtil est conducteur de travaux.
Il est incorporé le 4 septembre 1914 au 28ème Bataillon du génie de Belfort
Il est nommé caporal en 1916.
Il est blessé deux fois en novembre 1917 et le 25 avril 1918 au mont Kommel, dans les Flandres.
Il combat en Alsace, à Ypres en Belgique, à Verdun, au Chemin des Dames.
Il fait une guerre valeureuse. Il obtient cinq citations.

Citation à l’ordre du corps d’armée du 13 décembre 1916 :
« Très bon caporal. S’est distingué par son courage et son sang – froid pendant une progression importante et a contribué intelligemment à l’organisation du terrain conquis dans une attaque. »

Citation à l’ordre de la 133° division du 13 janvier 1917 :
« Caporal d’un très grand courage toujours au contact avec des sapeurs qu’il guide avec le dévouement le plus absolu ; a contribué sous un sérieux bombardement à la construction d’abris. »

Citation à l’ordre de la brigade de la 13° division du 4 novembre 1917 :
« Grenadier d’élite courageusement dévoué. Arrivé immédiatement derrière les premières vagues d’assaut, a nettoyé les abris ennemis, les a ensuite visités, capturant de nouveaux boches qui ne s’étaient pas rendus. »

Citation à l’ordre du 36° corps d’armée :
« Gradé superbe au feu, plein de courage et d’initiative. Apprenant qu’un obus était tombé sur l’abri d’une autre escouade, s’est précipité avec ses hommes sous un tir violent d’artillerie pour dégager ses camarades. »

Citation à l’ordre de la 133° division du 13 avril 1918 :
« Pour déterminer le moment utile de la destruction d’un passage de la patrouille sur la rive ennemie … jusqu’à la dernière minute. »

Décorations :
Croix de guerre avec 2 étoiles de vermeil et 3 étoiles d’argent - Médaille militaire

Il est démobilisé le 4 septembre 1919
Il sera réformé définitivement et touchera une pension d’invalidité de 25.

Démobilisé en 1919, à 26 ans, il revient à Perrigny. Il est sans emploi et décide de créer sa propre entreprise de travaux publics, au profit des régions dévastées par la guerre. Il opte pour la région du Chemin des Dames. Il va se spécialiser dans le déblaiement et les constructions d'urgence. C'est ainsi qu'il s'installe à Corbeny dans l'Aisne, au nord de Reims. Il y rencontre une Ardéchoise, qui, après avoir réussi un concours aux PTT, a été nommée dans l'Aisne. Ils se marient en 1923.

Le couple a deux enfants : Jean et Pierrette.  A partir de 1925, Pierre Curtil devient vigneron, il plante de la vigne. Il crée le domaine Saint – Marcoul, exploité aujourd’hui par ses arrière-petits-fils. Le vin produit est un vin pétillant. Il se lance dans le commerce de vin en gros.

En 1929, crise mondiale, misère chez les ouvriers agricoles et les petits exploitants. Il décide de les défendre et se lance dans la politique.

Il est élu conseiller municipal dans son village en 1935 puis conseiller de l’arrondissement de Laon, en 1937.

A son retour à Corbeny après l’exode de mai et juin 1940, il devient maire délégué. Une partie du territoire longeant les départements du nord et de l’est de la France, de la mer à la frontière suisse, a été déclarée Zone Interdite. Elle est séparée du reste de la zone occupée par la ligne du Nord – Est qui traverse l’Aisne. Les populations qui avaient fui ces territoires ne pouvaient pas retourner chez elles. Il aide de nombreuses familles à évacuer ainsi que les pensionnaires de l’hospice Matra et les religieuses chargées de leur soin. Il participe à la réorganisation de la vie civile tout en composant avec les forces d’occupation. Il organise dans sa propre maison les services administratifs et commerciaux (poste et alimentation) avant de récupérer maisons et locaux détruits ou laissés vacants par la population en exode.

Pierre Curtil s’est investi pour la récupération progressive des droits perdus par les populations, pour la délivrance d’Ausweiss pour circuler.

En mars 1941, il entre dans la Résistance à titre individuel. Un camp de prisonniers de guerre était établi à Corbeny, il faut faciliter les évasions. Il faut aider les aviateurs alliés tombés dans le secteur de Juvincourt.

Il est affilié au War-Office de Londres, ainsi que Lucien Borniche de Bouconville et Daniel Chapelet de Saint-Erme, membres très actifs du réseau local de résistance. Il est très certainement correspondant du S.O.E. Les contacts ont été facilités par l’ancien député S.F.I.O. de l’Aisne Jean Pierre-Bloch, qui deviendra par la suite membre du B.C.R.A. Le capitaine Michel du S.O.E., Michael Trotobas, créateur du réseau Prosper à Lille, était en liaison avec les trois hommes.

En février 1942 il est recruté par Lionel Lefèvre, dit Joseph Loiseau, chef civil et militaire de Libération Nord de l’Aisne. Il est en charge de la liaison avec le réseau de Reims et les résistants dispersés. Transmission d’informations, repérages pour créer des terrains de parachutage, aide aux soldats alliés en fuite ou évadés, projets de sabotage étaient les principales activités. Pour Pierre Curtil le message codé pour le contact avec Londres était « Le fil du téléphone est lié. »

A partir du 25 juin 1943, il est F.F.I. avec le grade de sergent.
Il est chargé de la livraison et du transport d’armes et d’explosifs entre le mouvement Libération Nord de l’Aisne et celui de la Marne.
Il est arrêté par la Gestapo de Reims le 5 juillet 1943 alors qu’il transportait des armes dans une camionnette de Corbeny à Reims. Il aurait été dénoncé.
Il est interné à la prison Robespierre de Reims jusqu’au 20 janvier 1944.
Il est transféré à Compiègne d’où il est déporté à Buchenwald le 24 février 1944.
Il disparait et est déclaré mort le 20 mars 1944 au camp de Mauthausen.

Décorations à titre posthume :

Croix de guerre 1939 – 1945 avec palme - Médaille militaire - Médaille de la Résistance

Son épouse Yvonne, solidaire des actions de son époux, sera maire de Corbeny de 1945 à 1961, Conseillère générale du canton de Craonne de 1945 à 1967.
Sa fille Pierrette, proviseur adjointe du lycée de Laon, sera, elle aussi, maire de Corbeny de 1985 à 1995, Conseillère générale de 1979 à 1988.

Des rues de Laon, Corbeny et Guignicourt portent son nom.

Le 30 avril 2019 j'ai demandé au maire de Perrigny-sur-Loire, Michel Lacroix, s'il serait possible de faire figurer le nom de Pierre Curtil sur le monument aux morts de sa commune natale.
Le 12 juillet 2019, le conseil municipal a donné son accord.

 

Eglise et monument aux morts

 Le monument aux morts de Perrigny-sur-Loire est situé près de l'église en surplomb de la route

Monument aux morts 2

 Vue du monument aux morts de Perrigny-sur-Loire depuis l'église

Gravure du nom de Pierre Curtil 2

 Gravure du nom de Pierre Curtil sur la face du monument aux morts de Perrigny-sur-Loire

 

17 novembre 2019

BOULET Marcel Jacques

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né le 24 février 1908 à Paris 14°
domicile : 31, boulevard de Grenelle, Paris 15°
soldat de 1° classe dans l'artillerie

époux d’Alice Paris

Douanier

Marcel BOULET

1940 : affecté au bataillon douanier de Paris
1941 : préposé des douanes à Guérande, Loire - Inférieure (Loire Atlantique)
1942 : travaille à l'organisation Todt pour se procurer du matériel
1943 : mise en disponibilité à sa demande
1° mai 1943 : adhésion au groupe Neyman (FTPF) dans la région de Guérande en Loire Inférieure

Activité dans la Résistance : Chef de groupe
organisation des groupes de la presqu'île guérandaise, sabotages et attentats

23 juillet 1944 :
arrestation par une patrouille allemande dans la région de Saint - Lyphard, Loire Inférieure, alors qu'il donnait des cartouches de dynamite à son groupe pour faire sauter un pont de chemin de fer à Séverac

Emprisonné à Nantes du 23 juillet au 5 août 1944

Les 2 et 3 août 1944, deux trains de déportés et prisonniers de guerre américains, anglais et français quittent Rennes.
Ils s’arrêtent à Nantes où d’autres déportés sont mis à bord, dont Marcel Boulet
Ces trains suivront l’itinéraire : Redon – Nantes – Lion d’Angers – Langeais – La Ville aux Dames - Bourges – Moulins – Montchanin – Beaune – Dijon – Dole – Besançon - Belfort

Le 29 ou 30 août il est embarqué à Belfort dans un convoi à destination de Neuengamme

Interné à Wilhelmshafen, Allemagne

Décédé le 4 janvier 1945

A la demande de l'ayant - cause :
Jules Paris, Les Chaumes, Bourbon - Lancy, beau -père

Certificat d'appartenance aux F.F.I. délivré le 16 juin 1948
Homologation au grade de sergent délivrée le 14 décembre 1948
Attestation du titre de déporté résistant délivrée le 27 novembre 1950
Certificat de validation des services, campagnes et blessures des déportés internés de la Résistance délivré le 26 juin 1952

6 juin 2019

PORTERAT Lucien

Texte rédigé par Jeanine GLEIZES, fille de Lucien PORTERAT

Je m’appelle Lucien PORTERAT et je suis né le 26 Janvier 1926 à Bourbon-Lancy, petite station thermale de Saône et Loire.

J’y ai effectué ma scolarité jusqu’au certificat d’études, puis, après quelques mois d’internat à l’école des arts et métiers de Cluny, je suis allé travailler à l’usine Puzenat, à Bourbon-Lancy. Cette usine fabriquait du matériel agricole. J’avais alors 14 ans.

Le 17 juin 1940, les troupes allemandes sont entrées à Bourbon-Lancy et réquisitionnèrent les plus belles maisons et les petits châteaux aux alentours, ainsi que les hôtels du centre thermal. Le Grand Hôtel est devenu le quartier Général des Allemands. La vie, bien que bouleversée, a néanmoins repris son cours et le travail a continué à l’usine. Mais, au fur et à mesure que le temps passait, on ne trouvait presque plus rien. La nourriture se faisait rare et l’on ne pouvait s’en procurer qu’avec les tickets de rationnement ou au marché noir.

Il était de plus en plus dur de supporter l’occupant.

 

 

PORTERAT DR

Nous souhaitions entrer dans la Résistance

Avec quelques copains de mon âge (15-16 ans), nous manifestions notre opposition à notre manière, en déclenchant, par exemple, des chahuts lors de concerts de musique militaire organisés par les Allemands dans le parc des thermes, ou au cinéma lors des actualités cinématographiques.

Nous trouvions évidemment que cela n’était pas suffisant et nous avions grande envie de faire quelques actions utiles. Nous désirions entrer dans la résistance.

Connaissant quelques adultes qui en faisaient partie, nous les avons contactés. Malheureusement, nous n’avons pu entrer dans leur organisation en raison de notre jeune âge.

J’avais alors 16 ans ½.

Ne pouvant être admis parmi les adultes, nous avons alors décidé de fonder notre propre groupe de résistants.

C’est ainsi qu’un jour de Septembre 1942, nous nous sommes retrouvés à 12 dans un café à côté d’une forge.

Assis devant un ersatz de limonade, nous avons décidé de baptiser notre groupe « Jeunesse Libératrice de France » (J.L.F.) et nous nous sommes donnés comme mission de recruter d’autres personnes ne supportant plus l’occupation, d’obtenir des renseignements sur les intentions des Allemands et sur leurs mouvements dans la région, et de dénoncer et punir les « collabos »

Notre jeune âge n’inspirait pas la méfiance des Allemands et, pour pouvoir agir en toute sécurité, nous avons décidé de créer une troupe de théâtre que nous avons baptisée « Jeunesse Lyrique Française »,des mêmes initiales J.L.F. que notre groupe.

Il faut dire qu’avant la création officielle de cette troupe, plusieurs d’entre-nous se produisaient déjà, soit pour les fêtes de la St Jean, soit pendant l’entracte au cinéma, soit encore dans des kermesses, en jouant de l’accordéon, en faisant de la gymnastique… etc…  Nous faisions donc ce que nous avions l’habitude de faire auparavant, mais avec un objectif supplémentaire : servir la résistance.

Notre troupe se produisant tous les dimanches, à Bourbon-Lancy et aux alentours immédiats, dans un rayon d’environ une quinzaine de kilomètres.

Dans les sketches ou parodies de chansons, nous veillions à ne faire aucune allusion aux Allemands ou à l’occupation :
il fallait en effet inspirer confiance, d’autant plus que les Allemands ou les gendarmes français venaient nous écouter et s’assurer que nous ne nous moquions pas d’eux ou ne les critiquions pas.

Pour ma part, j’étais « régisseur » : je montais et démontais les décors de la troupe. Les décors… c’était là que résidait l’astuce : en effet, nous nous déplacions à vélo, et avions chacun une petite remorque pour transporter instruments de musique et décors. Nous avions même réussi à obtenir un « ausweiss » (laissez-passer) pour nous déplacer et donner
nos spectacles.

Nous rendons des services et basculons dans la résistance active

Petit à petit, les adultes de la résistance nous ont demandé des services et par la suite nous sommes pour ainsi dire passés indirectement sous les ordres de l’ArméeSecrète (A.S), réseau important de la résistance. C’était l’A.S. qui nous remettait les instructions lors de nos réunions, qui se tenaient désormais dans un bistrot de la Rue de l’Horloge à Bourbon-Lancy à une cinquantaine de mètres de la maison de mes parents. L’A.S. nous indiquait dans quel village nous devions donner notre spectacle et cela, en fonction des lieux de parachutage ou largage d’armes ou de matériel pour les maquisards.

Il nous arrivait également de nous produire dans un village où nous devions ensuite récupérer des vivres dans des fermes, toujours pour les résistants qui avaient pris le maquis.

Après le spectacle, nous chargions le tout dans nos remorques, sous les accordéons et les décors, puis nous nous rendions aux endroits indiqués par l’A.S. pour cacher notre précieux chargement qui était ensuite récupéré par les maquisards.

Nos spectacles étaient payants, mais nous ne touchions pas d’argent. En revanche, on nous donnait à manger et à boire. L’argent encaissé par les communes où nous donnions notre spectacle, servait à envoyer des colis aux prisonniers de guerre de ces mêmes communes. Le montant encaissé faisait même l’objet d’un petit article dans la presse locale.

Nous étions très souvent contrôlés par les Allemands, mais, fort heureusement, ces derniers n’ont jamais fouillé nos remorques.

Le soir, chacun rentrait chez soi et, en semaine, nous nous retrouvions, pour la plupart, à l’usine pour travailler.

A l’usine, nous savions que le matériel que nous fabriquions était réquisitionné par les Allemands et envoyé en Allemagne mais, malgré notre envie, nous ne cherchions pas à le saboter pour éviter les représailles.

Les Allemands avaient de plus en plus besoin de main d’œuvre dans leur pays et ils venaient donc chercher des ouvriers à l’usine. Les volontaires pour aller travailler en Allemagne étaient rares, alors les Allemands désignaient les premiers qu’ils voyaient.

Durant l’été 1943, ne trouvant plus du tout de volontaires, les Allemands firent une rafle à l’usine et repartirent avec un car plein d’ouvriers qui furent envoyés au Service du Travail Obligatoire (S.T.O.).

Il fut alors convenu avec la standardiste de l’usine que, dès qu’elle serait elle-même prévenue par le concierge qu’une voiture d’Allemands arrivait à l’usine, elle brancherait et sonnerait tous les bureaux de tous les ateliers.

Je travaillais à l’époque dans l’atelier N° 1, c’est-à-dire l’atelier qui se trouvait à l’entrée de l’usine et c’est ainsi qu’un jour, en entendant quelqu’un crier « voilà les Allemands ! » je me suis caché avec un copain dans un four de l’usine… heureusement éteint.

C’est à ce moment-là que j’ai décidé de prendre le maquis. Nous étions fin 1943 et j’avais presque 18 ans.

Nous avons été plusieurs à prendre cette décision. Nous avons trouvé refuge dans la Forêt de Germiny et avons aménagé une cache dans le sous-sol en maçonnerie d’une cabane en bois utilisée autrefois par les chasseurs, et dont le toit était tombé.

Adieu donc le travail à l’usine et à la petite troupe Jeunesse Lyrique Française !

Nous étions une douzaine dans notre maquis de la Forêt de Germiny et faisions désormais officiellement partie de l’Armée Secrète. Nous appartenions au Groupe TURPIN.

Notre travail consistait à trouver du ravitaillement et à rapporter les armes qui étaient parachutées en vue du débarquement. Il était en effet de plus en plus question d’un prochain débarquement sur les côtes françaises des troupes alliées qui allaient libérer la France. Nous devions trouver des cachettes pour ces armes et les déménager en cas de besoin ou de danger. Nous avons ainsi enterré dans la forêt 200 mitraillettes.

Nous nous occupions aussi des collabos en sabotant leur matériel.

Cela a duré jusqu’en Mars 1944.

Arrestation et déportation

Un jour, le tailleur d’un village voisin fut arrêté chez lui. C’était lui qui nous transmettait les ordres de l’Armée Secrète. Sous la torture, il a fini par révéler les différents endroits où se cachaient les groupes de maquisards, dont le nôtre, dans la Forêt de Germiny.

Le 4 Mars 1944, la Feldgendarmerie est arrivée au petit jour et nous avons été capturés.

J’ai été pour ma part, conduit à la Feldgendarmerie de Bourbon-Lancy, à l’Hôtel des Thermes. J’y suis resté quelques heures et j’ai été conduit à la Feldgendarmerie de Paray le Monial. Là, le redoutable chef allemand Ottoqui sévissait dans toute la région, m’a fait subir un interrogatoire à sa manière : coups de schlague et baignoire (cf. document).

Je suis resté 8 ou 10 jours à Paray le Monial puis on m’a enfermé à la prison centrale de Chalon sur Saône. Nous étions 5 par cellule et nous communiquions avec les cellules voisines en tapant sur les murs (1 coup pour A, 2 pour B, 3 pour C etc… et 3 coups brefs pour indiquer la fin d’un mot.

Environ un mois et demi plus tard, j’ai été transféré à Compiègne,au Fronstalag 122, camp de transit de prisonniers. Ce voyage s’est effectué en trains de voyageurs. Nous étions 6 prisonniers dans un compartiment, et étions gardés par 2 miliciens.

A Compiègne on a appris qu’on allait nous envoyer en Allemagne.

Le 18 Mai 1944, on nous a fait monter dans des wagons à bestiaux, dont la contenance officielle était de « 8 chevaux ou 40 hommes ». Nous étions en fait une centaine par wagon. On nous a distribué à chacun un petit pain rond et un petit saucisson pour tout le voyage. Celui-ci a duré 4 jours.

Nous sommes arrivés à Neuengamme, à environ 25 km au sud-est de Hambourg.

C’était un camp de concentration construit en 1938 dans une région marécageuse, très humide et malsaine et, de plus, fortement ventée. Le camp était construit au bord de l’Elbe.

Nous avons été conduits dans des baraquements vides. Nous avions encore sur nous les vêtements que nous portions en France. Nous n’avions pas le droit de sortir, ni de parler aux personnes déjà présentes dans le camp et qui, elles, portaient des habits rayés. Nous les voyions partir au travail tous les matins, au pas cadencé et en musique.

Nouveaux arrivants, nous avons été mis en quarantaine. On nous a lors tondus, enlevé montres, bijoux et alliances… Des médecins nous ont examinés et on nous a distribué l’habit rayé. On nous a également attribué un matricule que nous avons dû apprendre par cœur en Allemand.

J’avais le matricule 31341.

J’avais 18 ans ½.

Après la quarantaine, qui n’a duré, en fait que quelques jours (car les Allemands étaient pressés de nous utiliser), on nous a conduits à Watenstedt pour ouvrir un commando.

A Watenstedt

Watenstedt était une ville allemande à une vingtaine de kilomètres au sud de Brunswick, sur la partie est de l’immense complexe industriel des aciéries Herman Göring, propriété personnelle du maréchal du Grand Reich.  Ces aciéries ont bénéficié très tôt de la main d’œuvre concentrationnaire des commandos des camps voisins.

Le voyage, en train à bestiaux, a duré un jour et demi. A notre arrivée, les baraquements étaient occupés par des civils allemands, mais ceux-ci sont partis aussitôt et nous les avons donc remplacés.

On nous a entassés dans les baraquements, à 2 par lit (d’une place) avec de la paille en guise de matelas. Le camp, comme les autres, était entouré de barbelés et de miradors.

A environ 3 ou 4 km du camp, se trouvait l’usine Göring et c’est là que nous allions travailler tous les jours, à pied, à la fabrication d’obus de 88 et 155 mm et de bombes de 125, 250 et 500 kg.

Nous avons été séparés en 2 équipes : l’équipe de jour, qui travaillait de 6h à 18h, l'équipe de nuit, qui travaillait de 18h à 6h.

Nous travaillions 15 jours d’affilée en équipe de jour et arrêtions un jour, pendant lequel des civils allemands effectuaient révisions et réparations dans l’usine). Puis nous reprenions le travail en équipe de nuit.

Lorsque nous étions en équipe de jour, nous nous levions à 4h du matin, avions droit à un bol de café et devions sortir dans la cour pour l’appel, quel que soit le temps.

L’appel durait toujours très longtemps, car les chefs de camp ne trouvaient jamais le nombre exact de déportés et alors ils recommençaient.

A midi (en équipe de jour), nous avions un litre de soupe et le soir, on nous distribuait un pain rond pour 8 et un paquet de margarine pour 16.

En équipe de nuit, nous avions, en rentrant le matin, le bol de café, le pain et la margarine, et l’après-midi, à 16h, la soupe.

En ce qui me concerne, je travaillais à la fabrication d’obus et me trouvais en sortie de four.

A l’entrée du four, des déportés déposaient des blocs de ferraille brute en poussant ceux qu’ils avaient déposés juste avant. La ferraille traversait ainsi tout le four, lequel faisait une dizaine de mètres de long. La ferraille était chauffée à blanc. A la sortie du four, la température était de 1800 degrés.  Muni de grosses pinces, je devais attraper et sortir les morceaux de fer chauffés à blanc, faire ¼ de tour et les déposer sur un plan juste au-dessus d’un trou cylindrique. Une machine appuyait alors sur la ferraille qui passait dans le trou et prenait ainsi la forme d’un obus. Puis différents postes de travail terminaient l’obus.

Le travail en sortie de four pendant 12 heures de suite était très pénible en raison de la chaleur insupportable.

Un jour, pourtant, j’ai eu la chance de pouvoir changer de poste et ce, de façon tout-à-fait inattendue.

J’étais à l’époque, dans l’équipe de nuit. En début d’après-midi, j’ai été réveillé avec d’autres déportés, pour aller charger du charbon pour les SS afin qu’ils puissent se chauffer. Mais il n’y avait personne au dépôt de charbon et nous avons dû en compagnie de nos gardes, attendre très longtemps. Quand nous sommes rentrés au camp, mon équipe était déjà partie à l’usine. Comme la production d’obus ne devait pas s’arrêter, j’avais été remplacé à la sortie du four et je me suis ainsi retrouvé en fin de chaîne de fabrication, à mesurer et à contrôler les obus. Ce travail était bien moins pénible.

Dans cette usine, il y avait des personnes qui faisaient partie du S.T.O. (Service du Travail Obligatoire), qui n’étaient pas des prisonniers, mais nous n’avions aucun contact avec elles : nos emplacements dans l’usine étaient bien distincts et tout était calculé pour que nous ne puissions pas nous croiser.

Un jour, cependant, quelqu’un s’est approché de moi et m’a dit qu’il me connaissait et qu’il était lui aussi de Bourbon-Lancy.  C’était OBERBEK, le père d’un copain polonais avec qui je jouais au football dans l’équipe de Bourbon.

OBERBEK avait pris de gros risques en me parlant. Puis il a écrit à son épouse qu’il m’avait vu à l’usine sans donner d’autre explication car il savait que tout le courrier était lu par les Allemands. Mes parents ont ainsi pu savoir par Madame OBERBEK où je me trouvais et que j’étais toujours en vie. Il faut préciser que les déportés n’avaient pas le droit d’écrire à leur famille, ils étaient coupés du reste du monde car il leur était interdit d’avoir de contact avec qui que ce soit.  J’ai su à ma libération que mes parents m’avaient envoyé des colis, mais, bien entendu, ceux-ci ne me sont pas parvenus.

J’avais beaucoup maigri, comme tous mes camarades déportés, et nous étions tous épuisés. J’ai pu un peu mieux « tenir le coup » grâce à OBERBEK qui, un jour, prenant à nouveau un énorme risque, s’est glissé à côté de moi et m’a dit de regarder dans le 2ème obus (…). J’y ai trouvé un croûton de pain et du sel. Il a pu le refaire une autre fois.

En partant ou en revenant de l’usine, on passait devant la potence où l’on voyait quelquefois des hommes pendus. Il s’agissait de déportés soupçonnés de sabotage et servaient ainsi d’exemple pour tous ceux qui auraient eu l’idée de mal faire leur travail à l’usine. C’était très dur de travailler ou d’essayer de dormir avec cette image devant les yeux.

Le camp de Watenstedt avait vite grossi et avait atteint un effectif de 2700 déportés (450 à l’ouverture du camp), dont la majorité de Russes et de Polonais. Venaient ensuite les Français et il y avait aussi des Belges et quelques Espagnols. Les Juifs étaient envoyés dans d’autres camps.

Nous n’étions pas au courant de ce qu’il se passait en France.  Au maquis, il était question qu’un débarquement se préparait, mais j’avais été capturé avant qu’il ait lieu. Un jour, cependant, et avec quelques mois de retard, nous avons appris qu’il avait effectivement eu lieu. C’étaient des prisonniers de guerre qui travaillaient dans la cour de l’usine au déchargement de la ferraille et au chargement des obus, qui nous l’ont appris. Les prisonniers de guerre étaient mieux traités, en raison de leur statut de militaires et ils logeaient dans un camp militaire.

Ce jour d’automne 1944, la nouvelle du débarquement a vite fait le tour du camp de déportés et nous avons retrouvé espoir. Nous avons tous pensé être libérés bientôt et passer Noël chez nous.

Hélas, il a fallu attendre l’année suivante.

Pendant longtemps, rien n’a changé au camp ou à l’usine, puis on a commencé à subir des bombardements. Au camp, le bâtiment des officiers allemands a été touché et à l’usine, la toiture a été détruite. Mais l’usine n’a pas arrêté de tourner, les machines étant intactes à l’intérieur. Des déportés ont en partie reconstruit la partie endommagée.

Les tout premiers jours d’Avril 1945, les bombardements étaient de plus en plus proches et de plus en plus fréquents et l’alerte sonnait de plus en plus souvent. Pendant les alertes on arrêtait tout et les Allemands nous conduisaient dans des abris souterrains.

Puis la fréquence des bombardements est devenue telle que l’usine a été arrêtée.

Des commandos voisins ont rejoint le camp de Watenstedt, qui comptait alors plus de 3500 déportés vivant dans des conditions indescriptibles.

C’était le début de la débâcle allemande.

Les troupes américaines se rapprochaient et rendaient la libération de notre camp imminente.

Malheureusement, devant l’avancée des troupes américaines, l’évacuation du camp a été ordonnée.

Là, comme ailleurs, il a fallu faire place nette et ne laisser aucune trace de la déportation aux yeux des Alliés.

Evacuation du camp de concentration de Watenstedt – 7 avril – mai 1945

L’évacuation du camp de Watenstedt a donc commencé le 7 Avril 1945. Les déportés pouvant encore marcher ont été dirigés à pied vers une gare. Je fus de ceux-là. On nous a entassés dans des wagons à bestiaux. Nous ne savions pas où nous allions, ni ce que l’on allait faire de nous. Les Allemands étaient très énervés, ils criaient et semblaient paniqués. Les officiers SS s’étaient déjà enfuis.

Le convoi a démarré en direction du nord. Mais ensuite il s’arrêtait souvent, changeait de direction, faisait marche arrière. En raison des nombreuses voies ferrées détruites par les bombes, l’itinéraire du train semblait n’avoir aucun sens. On semblait tourner en rond. Des soldats allemands avaient dit qu’on allait en SUEDE, qu’ils allaient nous remettre à la Croix-Rouge. Fallait-il les croire ?

Le voyage a duré 7 jours et a été meurtrier. Les nuits étaient glaciales. Les déportés, épuisés, souffrant de faim, de soif, de froid et manquant d’air, mouraient et nous nous retrouvions entassés, pêle-mêle morts et survivants. Quelquefois, lorsque le convoi s’arrêtait, on nous demandait de débarrasser les cadavres et de vider les tinettes (des fûts qui servaient de toilettes). Lors d’un tel arrêt, à Berlin, notre convoi s’étant trouvé entre 2 trains, j’ai pu me pencher et boire de l’eau qui sortait d’une locomotive. J’ai eu les lèvres brûlées, mais cette eau m’a fait du bien.

On a fini par arriver à Ravensbrück (le tristement célèbre camp de déportation de femmes). Nous étions le 14 Avril 1945. Le camp était vide. Il avait déjà été évacué. Il se trouvait à 30 km au nord de Berlin et à seulement 230 km, à vol d’oiseau, de Watenstedt.

Sur un total de 3500 déportés évacués (sur plusieurs jours et en plusieurs convois) du camp de Watenstedt, seuls 1500 déportés sont arrivés en vie à Ravensbrück

Nous sommes restés 8 jours à Ravensbrück, mais là encore, la mortalité a été effroyable : il y a eu 45 morts par jour en moyenne, du 14 au 23 Avril 1945 (épuisement, faim, dysenterie).

Ensuite, on est parti en camion en direction du nord et nous sommes tombés en pleine débâcle allemande : civils et militaires fuyaient sur la route devant l’armée russe, en direction du sud. Il était impossible de continuer en camion à cause des routes défoncées par les bombes et notre évacuation a continué à pied pendant environ 3 ou 4 jours. Les déportés tombaient comme des mouches. Nous étions alors gardés par de vieux soldats allemands et par ceux que l’on appelait les « Mongoles blancs » (des Russes qui avaient fui le régime communiste de leur pays et qui s’étaient alliés aux Allemands).

Au bout de 3 ou 4 jours, nous sommes arrivés au camp de Malchow, où l’on nous a enfermés dans des baraquements.

Un matin (le lendemain ou le surlendemain, nous n’avions plus la notion) les portes se sont ouvertes et nous avons entendu crier en Français ; « Y-a-t-il des Français parmi vous ? Nous sommes des prisonniers de guerre français. Il n’y a plus de gardiens, vous êtes libres ! »

Nous étions le 2 mai 1945.

Libération

Je me suis avancé avec 4 autres Français et les prisonniers de guerre nous ont conduits et installés dans une villa ayant appartenu à une famille de SS.  C’était le matin.

L’armée russe a pris Malchowl’après-midi.

Les soldats russes ont chargé les prisonniers de guerre français de s’occuper de nous et de nous nourrir en allant chercher ce qu’il fallait chez les civils allemands, en particulier dans les fermes, car eux n’avaient rien.

Nous sommes restés tous les 5 environ 8 jours dans cette villa, incapables de bouger tellement nous étions maigres et à bout de force. Nous étions seuls, car les prisonniers de guerre français étaient dans leur camp militaire ; mais ils passaient tous les jours, nous donnaient de quoi manger et nous soignaient comme ils le pouvaient.

Pendant que nous étions dans la villa, nous avons un jour entendu un grand bruit : un motard militaire russe était entré en collision avec un camion de militaires, russes également. Le motard, blessé, a été installé dans la villa avec nous par ses camarades. Il a été étendu sur des couvertures. Dans la soirée, une doctoresse, russe, lui a rendu visite et a posé une attelle sur sa jambe cassée. Elle est repassée le lendemain et a dit que son compatriote serait transporté à l’hôpital russe de Schwerin.

Un infirmier français (prisonnier de guerre) qui était venu nous voir et avait, par la même occasion, refait le pansement du Russe, a demandé à la doctoresse de nous transporter tous les 5 à Schwerin (ville de l’ancienne R.D.A., qui était alors sur la frontière russo-américaine) pour nous remettre aux autorités américaines.

La doctoresse a accepté pour nous remercier de nous être occupés d’un soldat russe blessé.

Une anecdote au passage : le motard a eu la visite d’autres soldats russes qui lui ont apporté à manger et à boire. Ils ont tous bien bu et ont bien chanté et étaient bien éméchés. Après le départ de ses camarades, le motard a voulu boire avec nous et nous nous sommes alors aperçus qu’ils avaient bu de l’eau de Cologne et de l’alcool à brûler ! Nous avons bien entendu refusé, prétextant notre trop grande faiblesse.

Le lendemain, un camion russe est venu chercher le motard. Au moment d’embarquer, nous nous sommes retrouvé une vingtaine de Français, car le bruit s’était vite répandu dans Malchow qu’on allait être remis aux Américains et tous les autres déportés français, qui se trouvaient à Malchow voulaient en profiter, ce qui était une réaction bien normale.

La doctoresse russe, présente, nous a fait monter tous les 5 en priorité et une dizaine d’autres déportés ont pu monter dans le camion.

Le voyage nous a semblé long (une demi-journée à peu près) car le camion roulait très lentement vu l’état des routes après les bombardements. Nous sommes enfin arrivés à Schwerin. Le camion russe nous a déposés dans un centre de tri de prisonniers de guerre. Le lendemain, un autre camion russe nous a conduits à la « frontière » où nous avons été échangés à 2 contre 1 : 2 prisonniers qui allaient à l’est, contre 1 prisonnier qui allait à l’ouest.

De là, nous sommes montés dans un camion américain (un GMC) conduit par un soldat noir, en direction de Lunebourg. J’ai été conduit, ainsi qu’un déporté originaire de Bourg-en-Bresse, à l’hôpital anglais de Lunebourg. J’y suis resté 8 ou 10 jours, et c’est là que j’ai reçu les premiers vrais soins. Mais je n’arrivais plus à marcher, j’étais trop faible, malgré le thé et le poulet que me servaient les Anglais.

 

 

PORTERAT CVR

 

 

Rapatriement en France

C’est sur un brancard que, le 31 Mai 1945, j’ai été rapatrié en France par avion sanitaire militaire (un JU 52). Il n’y avait à bord que des déportés, 6 sur des brancards et une vingtaine un peu plus valide. Nous avons atterri à Villacoublay, près de PARIS, sur un aéroport militaire.

Lorsque nous avons été descendus d’avion, des militaires nous ont présenté les armes.

Nous avons été conduits ensuite en ambulance à l’hôpital de la Salpêtrière. L’ambulance s’est arrêtée devant l’entrée de l’hôpital et des infirmiers ont commencé à transporter les brancards à l’intérieur. J’étais le dernier. Quand ils sont revenus pour me transporter, j’avais réussi à me lever tout seul et avais commencé à marcher en me tenant à une rambarde.

J’avais 19 ans ½ et ne pesais plus que 30 kg.

A l’hôpital, des gens passaient tous les jours pour essayer d’avoir des nouvelles de personnes disparues. Ils tendaient des photos et nous demandaient si on les avait vus dans notre camp de concentration.

Un jour, ayant appris que j’étais seul à Paris et que je n’avais aucune visite de ma famille, un Parisien m’a invité chez lui.

Mes parents, en effet, avaient appris mon départ du camp de Watenstedt par OBERBEK, mais ne savaient pas où j’étais, ni si j’étais toujours en vie. De mon côté, il m’était impossible de les joindre depuis l’hôpital.

Ce Parisien, après maintes difficultés, et en passant par la gendarmerie qui se trouvait à côté de la maison de mes parents à Bourbon, a réussi à avoir mon père au téléphone et me l’a passé. Je n’ai pu articuler que quelques mots : « je suis vivant, je ne suis pas mort ».

Le cauchemar était fini.

Le 11 Juin 1945, accompagné de mon père venu me chercher, j’ai pris le train pour Bourbon-Lancy Je pouvais enfin rentrer à la maison. Ceci, 15 mois après mon arrestation.

 

Lucien PORTERAT est titulaire de la Médaille militaire, Chevalier de la Légion d'honneur

 

 

 

 

 

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